Les lectures de Nicolas Sarkozy en prison, ou l’art de se foutre de nous

On le sait, les hommes politiques utilisent les livres au profit de leur auto-propagande. Les dictateurs (Hitler, Staline, Mao) ont tous écrit tout en faisant interdire les livres des autres. Certains textes d’hommes politiques sont devenus des classiques (les mémoires de Churchill), alors que d’autres (François Mitterrand) se vantaient des classiques qu’ils lisaient. Obama lançait des messages à travers ses recommandations de lecture, et la nouvelle reine d’Angleterre a son propre book club et son book festival – elle “sert”, donc, à quelque chose. Lors de son incarcération à la prison de la santé mardi dernier, Nicolas Sarkozy emportait avec lui deux livres : Le Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas et une biographie de Jésus.



Entre la littérature et Sarkozy, tout avait pourtant mal commencé. Notamment avec sa sortie poujadiste de 2006 contre la pauvre Princesse de Clèves, affichant son immense mépris envers le “peuple” : “Je ne sais pas si ça vous est arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pense de La Princesse de Clèves, mais imaginez le spectacle !”. Plus tard, il avait tenté de se racheter en recevant les journalistes un “livre à la main” – il me semble que c’était Châteaubriand. Aujourd’hui, entre l’Edmond Dantès de Dumas injustement arrêté et incarcéré, et le Christ sacrifié sur la croix, le message est clair : Nicolas est un martyr. L’autre message qu’il nous envoie, en emportant seulement deux livres, est double : soit il lit anormalement lentement, soit il est sûr de gagner en appel et de sortir avant cinq ans.



L’art de nous prendre pour des con·nes



Dans tous les cas, il nous prend vraiment pour des idiot.e.s, avec cet art très trumpien (et anti-démocratique) de la manipulation, du gaslighting et du retournement éhonté de la vérité : c’est lui l’innocent, la victime ; ce sont les juges les coupables, les méchants. Nous devrions tous lui envoyer le dernier essai de Barbara Cassin, La Guerre des mots : Trump, Poutine et l’Europe, bien sûr 1984 de George Orwell, et enfin La Princesse de Clèves, pour venger la guichetière.



À propos de vengeance : après avoir fui le bagne, le Comte de Monte Christo revenait dans la société pour se venger. Sarkozy le fera très certainement moins par l’épée que par la plume. En publiant un livre chez Fayard, la maison d’édition de son soutien d’extrême droite Vincent Bolloré, avec laquelle il a signé en 2023, et qui publie Jordan Bardella et Philippe de Villiers.

Les lectures de Nicolas Sarkozy en prison, ou l’art de se foutre de nous

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